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Mokrane Maameri Blog Littéraire

Poète-écrivain et critique littéraire

Mokrane Maameri, poète-écrivain et critique littéraire.

Mokrane Maameri, poète-écrivain et critique littéraire.
Le recueil de poésie « Au grès des arcanes » par Mokrane MAAMERI, éditions Belelan, 2010

En principe il devrait être facile et réjouissant de parler d’un texte dont on a assisté à la genèse ; et pourtant il se révèle une gageure d’épiloguer sur les choses dont on connait les tenants et aboutissants par la raison même du risque de verser dans la facilité. Ce texte qui a pris corps et forme sous nos yeux, dans sa forme manuscrite indécise, maintenant qu’il est dans sa forme définitive, arbore une stature, qui nous surprend agréablement. Pour nous, de manière définitive, un nouvel astre prend désormais ses quartiers dans le firmament poétique pour l’éternité de la littérature.  Le poète Mokrane Maameri est enfin né au monde par la publication de son premier recueil. Et si on voulait lui peindre un profil littéraire, il faudrait le faire du quadruple point de vue de poète artiste soucieux d'abord de beauté formelle, de poète lyrique qui cultive le chant de l'âme, de poète prophète, découvreur du monde et voyant ou de poète engagé.

 Nous avons toujours compris qu’il est à la fois poète dans l’âme, dans le corps, dans les manières d’être et dans la conception de la vie. Il est poète à la ville comme à la campagne, assis à sa table de travail, ou sur la terrasse d’un café.  Par ainsi, au suprême degré il mérite qu’on dise de lui ce que Louis Bertrand, de l’Académie française, a reconnu à Lamartine : « Le don souverain de poésie, que personne, chez nous, n’a possédé au même degré. Il est la poésie même. Il poétise tout ce qu’il touche, même quand il n’est pas en état d’inspiration, -- par habitude d’âme et d’esprit. Quand l’inspiration est en lui, c’est la poésie pure, à l’état naissant, une poésie qui n’a pas besoin du vers pour s’exprimer, qui se répand dans toute sa prose, et qui, affranchie des entraves prosodiques, atteint quelquefois à son suprême épanouissement » (Lamartine, Fayard, 1940)

Nous avons toujours pensé, à tort ou à raison, qu’il faut parler de la poésie en poète, c’est-à-dire avec le langage de la poésie pour se hausser à son diapason.  Ici, ce qui est requis, ce n’est point le quirittement divin du rossignol ou autre volatile musicienne, mais plutôt le cancan lugubre du canard boiteux ou le hululement de la chouette de Minerve dans le ciel de carnage. Le texte véhicule une sensation d’étrangeté, de dissonance et d’ailleurs d’un monde rudoyant sa lenteur pour proclamer le désastre. L’ensemble des poèmes dessinent un parcours qui va du bel air hésitant du début pour se muer à la fin en la statue du Commandeur de la fin habile. Le poète Kabyle a diversifié l’organisation des rimes dans les trois grands modes connus, à savoir : rimes croisées, rimes embrassées et rimes plates ou suivies.

la première s’attachera à la fiche technique qui prendra en charge le travail formel du < poète artiste soucieux de beauté formelle< ; sera prise en compte notamment le schéma des vers, et les deux grandes polarités que sont les muses en apostrophe et en apposition ; la deuxième s’attachera aux modalités d’énonciation des poèmes, et la dernière aura pour matière quelques thématiques parmi les plus importantes.

I-Fiche technique : Le souci de la forme chez Maameri.  Le souci de la forme est aussi primordial que celui du dire poétique, chez Maameri, parce que c’est un < poète artiste soucieux d'abord de beauté formelle<. La technique d’écriture est une donnée importante qui le rattache à des courants littéraires français et européens bien connus, qui rappelle le processus enclenché à partir du XVe siècle qui a trouvé son apogée au XVIIe siècle dont on peut en apprendre plus par ce qui suit  : « Le souci de la forme est bien sûr constant chez les poètes et des règles prosodiques s’élaborent peu à peu aux XVIe et XVIIe siècles (compte du « e muet », diérèse/synérèse, césure, pureté des rimes…) — avec le Parnasse. Cette importance accordée au travail poétique passe par les Grands rhétoriqueurs de la fin du XVe siècle puis la Pléiade et les classiques (« Beauté, mon beau souci » dira François de Malherbe), avant de réapparaître au XIXe siècle en réaction aux effusions et aux facilités de la poésie romantique. Les théoriciens et praticiens de l'art pour l'art, partageant la conviction que « l'art vit de contraintes et meurt de liberté », comme le dira au siècle suivant Paul Valéry, défendront les règles traditionnelles (vers syllabique, rimes, poèmes à forme fixes comme le sonnet) avec Théophile Gautier ou les Parnassiens comme Théodore de Banville, Leconte de Lisle ou José-Maria de Heredia. Cette conception esthétique ira même avec Mallarmé jusqu’à un certain hermétisme en cherchant à « donner un sens plus pur aux mots de la tribu » et à relever des défis formels (comme le sonnet en -ixe/-yx de Mallarmé, les Calligrammes d’Apollinaire…) que systématiseront au milieu du XXe siècle les jeux de l’Oulipo et de Raymond Queneau (Cent mille milliards de poèmes), Georges Perec ou Jacques Roubaud. »

A - Les types de strophes. On constate la primauté des quatrains ou strophes de quatre vers. Par ainsi, il est fidèle à la poétique baroque revendiquée dans le dernier poème du recueil : <Le moi à patte< Puis quelques tercets, notamment dans le poème : <L’espoir< qui se compose de dix tercets (pp. 18, 19) Et la huitième strophe du poème suivant : <L’insomniaque< est un tercet.

Le poète Kabyle a diversifié l’organisation des rimes dans les trois grands modes connus, savoir rimes croisées, rimes embrassées et rimes plates ou suivies.

 

Mokrane Maameri, poète-écrivain et critique littéraire.

Le recueil de nouvelles : <L’Eveil de l’horizon< par Mokrane Maameri, Editions Belelan, janvier 2014.

 Tout comme il existe un art du roman, il en va de même pour la nouvelle. Mokrane Maameri s’y est mis en marchant sur les brisées d’un Guy de Maupassant. Il est bon de rappeler qu’un recueil de nouvelles est plus qu’un ensemble de textes disparates, c’est une œuvre à part entière qui se recommande par son unit de ton, qui se traduit, pour ce qui concerne notre objet d’études, dans un substrat de révolte, voire même de révolution féminine ou féministe qui traverse les quatre textes comme un fil rouge qui les relie. Mais à la lecture, les choses se révéleront moins évidentes, car cette unité proclamée devra être déduite de l’esprit non de la lettre des écrits dans leur diversité. Dans notre travail d’analyse, nous survolerons brièvement les quatre nouvelles pour ensuite dégager les idées-forces qui les sous-tendent.

 Première partie 

A-emière nouvelle : Deux jeunes filles partent à l’aventure sous forme d’< une traversée saharienne en jeep<. Chacune a des ascendants glorieux L’une est fille d’un membre de l’Organisation Armée Sécrète ; cas d’Isabelle ; l’autre, Thin hinan, est fille d’un tirailleur d’Afrique du Nord.

Ces jeunes européennes vont s’engluer dans le vaste désert pour expérimenter ses humeurs sous forme de tempêtes inopinées et les éventuels dangers inhérents à ces territoires inhospitaliers. Après une longue période de randonnées, elles ont découvert un peuple nomade de pasteurs, Thin Hinan, grâce < aux rares caractères transcrits sur les rocailles< (25) Le peuple en question est dépositaire d’une culture millénaire sur laquelle il veille jalousement. Et sans que le texte n’ait nullement énoncé, on croit comprendre que tel aurait été le but de la randonnée des deux « égéries »

 La deuxième nouvelle se donne pour décor la ville de Constantine où vit Arezki, l’intellectuel qui condense tout l’idéal de paix de tout un peuple.  Mais le message du texte sera porté par un enfant qui s’est révolté un jour contre l’indignité propre à toute situation d’’indigénat face à son père déterminé à perpétuer le statu quo.

 Le troisième texte a choisi de questionner la condition de la femme que la tradition assujettit à un statut de mineure éternelle incapable de décider librement de du moment de son destin matrimonial. Taos s’est dressée contre cette sujétion a ses risques et périls en décidant de laisser parler son cœur pour un jeune inconnu. Coup de texte ou de cœur qu’elle aura à payer au prix fort.

 Le dernier, adoptant un ton plus philosophique, met en scène un vieillard centenaire armé de sa canne symbolique, dialoguant avec un jeune, dans l’intention d’une opération de transmission.  L’épilogue, tout à fait inattendu, fait voir que le vieillard a passé le flambeau à une époustouflante jeune femme pour poursuivre la lutte, avant de rendre l’âme au moment où un événement important, non précisé, s’est déclaré.

 Seconde partie

 Si on doit dégager un substrat du recueil, on verrait qu’il est habité par le souffle du féminisme. C’est la prééminence des femmes, tant par leur militantisme, que par leur beauté. Les femmes entendent reprendre la main pour refaire leur retard. Cette revendication est prononcée effectivement : « Ne laissons pas le terrain aux seuls hommes qui croient avoir le monopole de l’histoire » (21,, 22)

 Cette revendication de prééminence s’est matérialisée sous différents aspects. C’est d’abord un esprit de révolte. Taos, au péril de sa vie, veut secouer le joug des traditions obscurantistes Et, le dernier texte a vu une jeune femme investie du rôle flatteur de Jeanne d’Arc de l’Algérie, en se voyant désignée sous le titre de <femme liberté< à qui a été remis la canne symbolique du vieillard, image phallique du pouvoir, avec ces proclamations <tu es l’avenir<

 Second trait, c’est le rapport Nord/Sud, et filles occidentales opposées aux filles orientales, chacune parée de ses propres atours. On l’a accordé au nordistes un certain goût de l’aventure qui a conduit aux grandes conquêtes et explorations, mais en abusant des pires moyens : « Tu sais un nordiste est viscéralement conquérant et assoiffé de découvertes et ce, depuis les premiers explorateurs. Il ne s générerait pas à abuser des moyens en sa possession pour faire déguerpir les autochtones en rébellion » (23)

 Par ailleurs, on peut évoquer le tropisme littéraire et philosophique du recueil qui fait de Mokrane Maameri, un littéraire doublé d’un philosophe. Sur le plan littéraire, les textes insistent beaucoup sur les traits des personnages et la variabilité de leur intonation, et tout ça agrémenté du souci de camper des décors jouant le rôle de caractère topographique. Sans oublier le goût des belles expressions de l’auteur, comme s’il voulait faire des récits des pièces d’orfèvrerie.

 Sur le plan philosophique, le nouvelliste s’est prévalu de beaucoup de considérations qui émaillent les textes que l’on peut s’amuser à recueillir à la manière des pécheurs de perles de Bizet. Nous nous limitons à soumettre deux à votre sagacité : « On ne t’a jamais appris que le temps n’attend point ? Allons, ne te soumets pas à ta propre silhouette, sinon une tierce personne à la voix théâtralement suraiguë saurait te guider et t’orienter à sa guise » (47)

 Philosophie encore : « Et puis, c’est la nature humaine qui, depuis la nuit des temps, fait que nous cherchons à dominer nos semblables pour nous affirmer, nous confirmer pêle-mêle Il en est toujours ainsi » (24)

 

Mokrane Maameri, poète-écrivain et critique littéraire.
Le roman « Voyage Autour de Soi » par Mokrane MAAMERI ? éditions Belelan, 2016

De non-dits éclatants, de vérités devenues troubles, une fois passées au peigne fin du mot. C’est en réalité une lecture de pensée et autres qui gravitent autour de l’amour s’adressant aux amoureux : « Cependant tu pourras faire en sorte que si l’amour survenait de là où tu ne l’attends pas, prend-le comme une aubaine, saisie-le et n’hésite d’un iota, même s’il ne serait pas suivi, ni entretenu d’effet escompté, il grandira de lui-même ; car sa résistance est plus forte que la haine. » p.111

Par ailleurs, il s’agit d’un livre à la fois autobiographique : la mère, le grand père, le cousin. De ce dernier, l’auteur lui adresse particulièrement sa pensée : « A mon cousin mort brutalement pendant un long exil à Paris à l’âge de 42 ans. » De manière récurrente, la génitrice intervient pour asséner une pensée de sagesse puisée dans la trame d’un long vécu, elle est la caution philosophique d’une œuvre nourrie d’espoir et de sagesse héritée de ses grands-parents : « Maman répétait à l’envie que mon côté optimiste était irrévocablement inné… »  p.90

Quant à l’intertextualité : une esthétique des mythes de grand classique français. Tout part de la femme du rendez-vous raté muée en une constellation féminine comme point central et centre de fermentation et de contamination esthétique. La femme est source d’inspiration ou de création qui se retourne à elle. Comme le jeu d’un serpent qui se mord la queue, la femme inspire le narrateur qui la décrit, comme se mirant dans le miroir qu’elle a contribué à fabriquer. Elle est l’inspiratrice de l’œuvre dont elle est le centre dont la mention du temps sous forme nominative revêt une grande importance parce qu’elle se réfère à un temps qui se tasse à cause de l’absence. 

En conclusion : l’œuvre de Mokrane MAAMERI ne se circonscrit pas seulement à un phénomène de réflexion, elle aborde aussi d’autres domaines qui ont surtout à voir avec les écrits de Roland Barthe « le plaisir du texte. En effet, dans ses écrits R. Barthe écrit : « le texte que vous écrivez doit donner la preuve qu’il désir. Cette preuve existe, c’est l’écriture ».

Dans cet ouvrage, il y a comme une inversion de valeurs. L’écriture s’en ressent, de même que la vision du monde. On est en face de la pure écriture dans laquelle on écrit pour pouvoir changer la vision du monde à travers la littérature.

"L'écume des affects et autres sonnets de résilience", par Mokrane Maameri, éditions Belelan, 2021, 100 pages

"L'écume des affects et autres sonnets de résilience", par Mokrane Maameri, éditions Belelan, 2021, 100 pages

Ecrire c’est convoqué le monde à la table, c’est également convié sa langue en invitant les joies, les douleurs, les espérances. Ecrire c’est laissé faire et filer la plume comme un poisson dans l’eau, elle ride les mers et les océans ; la faire plonger dans le ressac de souvenirs et d’avenir et elle inscrit fugitivement des traces d’avant, de maintenant et d’après. Ecrire c’est avoir le souci de l’autre et le souci de soi, s’affranchir des préjugés, s’abstenir de présupposés, ne point faire œuvre de mauvaise foi, se garder de dogmes ; en somme, écrire c’est pensé, c’est dénoncé les drames ou qu’ils se trouvent et quel que soit le prix à payer. Ecrire même contre soi, contre les vents et marées. Ce qui importe c’est d’avoir la force de l’empathie et le souci de l’éthique en examinant le monde dans une langue et peu importe la langue rude ou caressante.

L’écume des infects et autres sonnets de résilience est l’accumulation de ces choses-là, écrit sous forme d’un Sonnet, genre pratiqué par les poètes classiques du XVIe Siècle pour qui tout doit être strictement codifié mêlant à la fois la métaphysique et le sensuel, afin de donner à voir le monde. Il ne s’agit pas de changer le monde, mais une façon voire un moyen de le poétiser et le rendre plus humain. Au fait, cela revient à dire : Ne voir que ce qu’on peut sentir, ne sentir que ce que le cœur voit. Si tout n’est pas devant nous, nous pouvons néanmoins sentir comment nagent les poissons. Je suis donc de là, mais de là je pense, j’imagine, j’entends, je vois, je sens, j’aspire et je respire l’ici, l’ailleurs et le monde qui nous entoure.

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